Storytelling entrepreneurial : de Oily Me à Menaka #1
#1 : Lancer une box d'huiles essentielles
Pas de tuto ou astuces huiles essentielles aujourd’hui. Remontons ensemble le temps jusqu’aux premiers instants de Menaka (qui s’appelait alors Oily Me). Lancer sa boite, créer des box mensuelles d’huiles essentielles, apprendre à communiquer sur Instagram … Du bonheur, beaucoup, mais des galères, beaucoup aussi !
J’espère que cet extrait de journal entrepreneurial vous plaira. Que retracer les premiers instants de Menaka vous donnera envie de poursuivre à nos côtés, et de découvrir la suite.
AVRIL 2019
A l’aéroport de Beauvais (Ryan Air oblige), l’avion décolle direction La Valette, à Malte. Malte vous évoque sûrement les séjours linguistiques pour adolescents, la fête et les années sabbatiques.
Si c’est le cas, vous ne pensez pas à Gozo. Gozo, c’est la deuxième île de Malte. Une île petite, calme et charmante. A Gozo, il ne faut pas trop espérer faire la fête, à moins que vous ne fassiez la fête avec des petits chats mignons et des serpents (pourquoi pas).
Les habitants se vantent que Gozo a le taux de criminalité le plus bas au monde. Là-bas, on peut dormir portes et fenêtres ouvertes. Plutôt agréable, quand on est une femme partie voyager seule pendant un mois.
Gozo, c’est donc l’île sur laquelle j’étais lorsque j’ai lancé Oily Me (ancien nom de Menaka). Depuis ma maisonnette avec vue sur la mer, j’ai fait les premières démarches nécessaires à la création de l’entreprise : dépôt des statuts, création d’un compte bancaire, souscription à un hébergement.
Mon cerveau était en ébullition et j’avais besoin du calme le plus total pour faire le tri dans mes idées. Et c’est donc à Gozo, en avril 2019, que j’ai commencé à écrire ce nouveau chapitre de ma vie.
Bref, je suis partie m’isoler sur une île déserte pendant 1 mois.
MAI 2019
De retour en France, je me lançais vraiment. J’ai annoncé que je montais ma boîte et invité les gens de mon entourage à me suivre sur Instagram. Et Instagram, ce n’était vraiment pas mon truc …
Annonce faite, je me suis lancée sur le premier gros chantier de Oily Me : le site internet. À nouveau les idées fusaient, j’avais envie d’essayer tout plein de trucs que j’avais vu d’autres personnes faire. J’ai épluché les thèmes Wordpress, j’ai fait des maquettes à la main, j’ai élaboré une stratégie pour capter des emails.
Un soir de mai, je me suis couchée. Les yeux équarquillés dans le noir, impossible de dormir. Je voyais des boutons, des icônes, des pages et des menus de partout. Je visualisais ce site Internet et j’avais envie de le faire exister.
Alors, à 1h30 du matin, je me suis levée et j’ai sorti mon ordi. Et j’ai fait ce site ! Quelques heures plus tard, malgré la lumière bleue, je me suis rendormie sereine et satisfaite du travail accompli. Le lendemain, j’ai pu annoncer la sortie du site. Un pas de plus sur le chemin de Menaka.
Bref, je me suis levée au milieu de la nuit pour faire un site Internet.
JUIN 2019
Ce jour de juin, ma soeur est arrivée chez moi et m’a regardée comme si j’étais un extra-terrestre. Je gigotais dans tous les sens et je ne commençais que des phrases que je ne finissais pas.
Fournisseurs d’huiles, flacons, rédaction des carnets de recettes, boutique en ligne, livraisons, Instagram, voyage à Madagascar … J’avais tellement à faire que je ne savais plus où donner de la tête. Pas tant en termes de quantité de travail, mais plutôt en terme de variété de tâches. C’était le bordel (littéralement et psychologiquement) et je ne m’y retrouvais plus dans les todo lists.
Alors, ma soeur m’a posé une question qui a changé ma vie d’entrepreneure : “Manue, pourquoi tu ne te mets pas au bullet journal ?”
Ma soeur étant une calligraphe de renom et experte de la chose, je savais bien entendu ce qu’était un bullet journal (alias bujo). J’avais vu le sien. Ce que je ne savais pas, c’est à quoi ça servait.
Le bujo, c’est un peu la Pensine de Dumbledore. C’est un vide-cerveau où vous pouvez ranger vos idées, vos pensées, et vos choses à faire. Vous pouvez les trier, les organiser, les annoter. Et surtout, vous détendre car vous savez enfin que vous n’oublierez plus jamais une chose de votre vie (bon, ça m’est quand même arrivé de manière très ponctuelle).
Pour m’initier, ma soeur m’a donc designé un premier bujo sur un mois, que j’ai tenu assidûment. J’y ai noté tous mes objectifs et échéances. J’avais enfin une vision claire de la direction dans laquelle allait mon entreprise. J’allais lancer mon offre en septembre et j’étais sûre de pouvoir y arriver. Parce que désormais, c’était écrit.
Si vous vous dites “Oui-oui mais moi j’ai mon agenda et une page de note sur mon téléphone et tout va très bien”, sachez une chose. Nous passons notre vie devant des écrans. Prenez-moi, par exemple. J’ai une activité on ne peut plus palpable : je vends des huiles qu’on s’applique sur le corps. Et pourtant, je passe ma vie devant un écran.
Alors, je trouve que si on a l’opportunité de se reconnecter avec le papier, il faut la saisir. Lire, écrire, tourner des pages, colorier, souligner, … C’est un peu comme marcher dans la forêt. Ça nous permet de stimuler une partie de notre cerveau laissée à l’abandon, spécialement chez les personnes de ma génération.
Bref, le Bullet Journal a sauvé ma vie.
JUILLET 2019
Une amie bénévole au sein de l’association Low Carbon France m’a annoncé qu’ils organisaient un événement à la Cité Fertile, à Pantin. L’événement promouvait les initiatives qui permettent de réduire son empreinte écologique. Il y avait donc des ateliers DIY, des conférences, une disco soupe, et … une session de pitch.
Petite précision pour ceux qui ne connaissent pas le terme pitch (oui c’est aussi un club de golf mais ce n’est pas ce dont il s’agit ici !). C’est un exercice de prise de parole en public qui consiste à présenter son projet (entrepreneurial ou autre) en un temps court.
Lors d’une expérience professionnelle précédente, j’avais organisé un bootcamp d’entrepreneuriat pour l’incubateur Willa. Le pitch était l’exercice phare qui clôturait les 3 jours de bootcamp. A cette occasion, et à d’autres, j’ai vu de nombreuses entrepreneures préparer et présenter leur pitch. J’avais entendu plein de bons conseils et je les avais aidées à les appliquer.
Pourtant, quand il s’agit de parler de soi et de son propre projet, l'exercice paraît radicalement différent. Cette expérience-là ne comptait plus. J’avais l’impression de sortir de l’école primaire et de devoir passer le bac.
A la Cité Fertile, nous étions une trentaine à pitcher et nous avions 1 minute chacun. Pas d’estrade, pas de micro (heureusement je suis grande et du genre à parler fort). J’avais préparé et répété mon discours. C’était difficile, car j’avais tellement de choses à dire sur Oily Me et je ne savais pas vraiment ce qui était le plus important. Je ne savais pas ce dont je devais parler ce jour-là, en soixante secondes.
Il n’y avait pas d’ordre de passage défini. Après un ou deux pitcheurs, une de mes amies m’a poussée à me lancer : « Vas-y maintenant, tu auras moins la pression et les gens vont être moins attentifs ensuite. » Elle a bien eu raison.
Je me suis avancée sur la non-estrade et j’ai cherché les regards bienveillants pour garder confiance. Ceux de mes copines, qui s’étaient déplacées pour me voir (et croyez-moi quand j’ai vu ces filles-là se pointer si loin au-delà de la rive gauche, je me suis dit “Wahou quel soutien !”). Celui de ma soeur, qui avait calligraphié en live un panneau Oily Me trop classe pour l’événement. Et encore un autre.
Je me suis lancée et j’ai parlé des huiles essentielles, des abonnements de box, du Zéro Déchet, du terrain à Madagascar. J’ai invité les gens à suivre Oily Me sur Instagram pour être informés du lancement imminent.
J’ai eu de très bons échanges avec quelques personnes sur place. C’est amusant, car je n’ai parlé qu’une minute, pourtant les gens n’ont retenu qu'un dixième de ce que j’avais dit. Pour certains c’était le DIY, pour d’autres Madagascar. Selon leurs intérêts et sensibilités personnelles. Et c’est tout à fait normal.
C’est une bonne leçon, à laquelle je devrai repenser la prochaine fois que je ferai un pitch. Il faut savoir aller droit au but, sans tergiverser (pas mon fort à nouveau). Ce qui compte, quand on parle de son projet en un temps si court, c’est d’arriver à trouver quelques mots dont on est sûr qu’ils marqueront l’esprit de notre cible. De mon expérience : “ylang-ylang”, “Madagascar” et “shampoing” sont les termes dont les gens se souviennent le plus !
Bref, j’ai pitché Oily Me pour la première fois.
AOÛT 2019
C’était la dernière ligne droite. J’avais quelques semaines pour préparer toutes mes box avant de partir à Madagascar. Dans mon bujo, je faisais le suivi des livraisons qui étaient presque toutes arrivées. Huiles, carnets de recettes, box, étiquettes, … Il ne manquait que les flacons.
À la fin de l’été 2019, j’ai passé quelques jours dans une petite ville allemande. Comme j’achète mes flacons en Allemagne, je me suis dit : autant en profiter ! Je peux les faire livrer à l'hôtel, ça arrivera plus vite et je ferai des petites économies d’empreinte carbone.
J’ai prévenu l'hôtel avant d’arriver. J’ai re-prévenu en arrivant. Je suis passée le lendemain voir s’ils avaient été livrés (lourdeur, quand tu nous tiens). Le surlendemain, je reçois une notification de DHL qui m’annonce que le colis a bien été livré.
Je descends donc à la réception (Coucou, c’est encore moi !). Et là, ils m’annoncent qu’ils n’ont rien reçu. Je montre le mail de DHL qui me dit que Madame X a signé. Ils me disent oui-oui, on comprend, mais Madame X a fini son service et est en congé demain.
Le lendemain, pas de nouvelles. On ne sait pas si Madame X a effectivement réceptionné le colis, dont on a aucune trace. Je leur donne le nom de ma société, mon nom et tous les dérivés qu’on pourrait imaginer. “Vous n’avez rien au nom de Emmanuelle Oily par hasard ?”.
Ils fouillent les étagères, la salle du personnel, les salles de stockage des différents paliers. Rien. Chaque jour, je rentre et je sors de l'hôtel, dans un mélange d’espoir et de rage. La réceptionniste me voit arriver de loin et baisse les yeux en secouant la tête. Toujours rien.
Un soir, finalement, je rentre du restaurant sans plus d’espoir ni rage. Et la réceptionniste sourit. Elle m’appelle en secouant les bras : “WE FOUND YOUR PACKAGE !”. Tout est bien qui finit bien !
Que c’était-il passé ? Le fournisseur n’avait pas indiqué mon nom sur l’adresse d’expédition, seulement le nom de l'hôtel. Le personnel a donc légitimement cru qu’il s’agissait d’un colis pour l'hôtel. Il a fallu attendre que quelqu’un tombe sur des flacons d’huiles essentielles en faisant le tri dans les draps et le papier toilette.
Voilà mon quotidien d’entrepreneure. On est bien loin des levées de fonds, des yatchs et des Mastermind à Bali, n’est-ce pas ?
Bref, j’ai cru que mon colis de flacons était perdu.
SEPTEMBRE 2019
Au mois de septembre 2019, il s’est passé deux choses qui pourraient sembler … incompatibles. D’une part, j’ai lancé mon activité avec mes premières ventes de box en abonnement. D’autre part, je suis partie à l’autre bout du monde.
Ca n’avait aucun sens. C’est un peu comme acheter un appartement et ne pas emménager. Accoucher d’un enfant et le laisser à la clinique. Acheter une voiture et ne jamais la sortir du garage (ah, mais il y a des gens qui font ça, ouf je ne suis pas seule !).
Aujourd’hui encore, je n’arrive pas à me souvenir. Comment ai-je pu décider de lancer les ventes et de partir à Madagascar le même mois ? Je veux dire, j’aurais pu partir un ou deux mois plus tard. Ou décaler le lancement. Non ?
(La réponse tient probablement dans le fait que je ne tenais pas encore de bujo à l’époque où j’ai acheté les billets, et donc mon cerveau ne tournait pas rond.)
J’avais tout de même prévu le coup. J’avais fait un stock de box et sous-traité la livraison. Comme j’avais préparé trois mois de box en avance, je pensais qu’il n’y aurait plus rien à faire jusqu’à mon retour deux mois plus tard. Que je pouvais partir sereine et attendre que les ventes décollent d’elles-mêmes.
Si vous avez quelques notions de marketing, vous avez probablement deviné ce qu’il s’est passé : les ventes n’ont pas décollé. Il y en a eu quelques unes, certes, mais pas du tout assez pour pérenniser l’activité.
Rétrospectivement, je qualifierais ça d’auto-sabotage. J’avais mis beaucoup d’énergie dans la conception de ces box. Énergie qui n’a pas été perdue, car non seulement cette expérience a été riche en enseignements, mais je réutilise les recettes de ces box au quotidien pour faire évoluer Menaka. Tout de même, une part de moi ne devait pas croire au succès de ce modèle de box en abonnement.
Bref, j’ai pris la décision la plus bizarre de ma vie d’entrepreneure.
On s’arrête là pour aujourd’hui. Dès que possible, je vous partagerai l’année qui a suivi, d’octobre 2019 à aujourd’hui. Et je mettrai de côté (dans mon bujo !) mes meilleures galères pour vous les partager à mesure que nous écrivons, ensemble, l’histoire de Menaka.